Aller au contenu

La gymnastique articulatoire

La gymnastique articulatoire consiste en une série d’exercices permettant l’échauffement et l’entrainement de certaines zones intervenant dans la production de la parole au niveau de la face, laquelle comprend 50 muscles. Cette « culture physique buccale » intervient directement sur 

  • la langue (composée de 17 muscles)
  • les lèvres
  • la mâchoire inférieure (mandibule)

La gymnastique articulatoire est pratiquée par les acteurs et chanteurs désireux d’améliorer leur diction. Elle est aussi utilisée par des orthophonistes intervenant sur des enfants ayant des troubles de la parole. Est-elle employée en phonétique à visée didactique? C’est ce que nous allons voir dans cet article avec des vidéos qui expliciteront concrètement notre propos.

Gymnastique articulatoire et approche articulatoire

 

En France, à ma connaissance, quelques rares ouvrages de phonétique du fle évoquent quelques exercices de phonétique articulatoire. Je pense notamment à ce livre paru en 1976, qui a connu, un certain succès.

Mais en règle générale les auteurs français ne sont pas très chauds pour la pratique de la gymnastique articulatoire en classe de langue étrangère.

Dans certains pays, la gymnastique articulatoire appliquée à l’enseignement des langues étrangères tient une place essentielle dans le processus d’apprentissage. C’est notamment le cas en Russie. Pour avoir une idée de la torture phonétique subie par les élèves russes, vous pouvez visionner cet entretien avec ma très talentueuse collègue Aliona Syromiatnikava. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne rigole pas: 

De fait, la phonétique corrective à base articulatoire es traditionnellement survalorisée en Russe comme du temps de l’URSS. La méthode articulatoire repose sur un principe simple : il faut avoir une connaissance explicite de l’articulation d’un son pour pouvoir bien le prononcer. Pour prendre conscience des particularités articulatoires des sons de la L2, l’apprenant peut avoir à suivre des cours théoriques tendant vers une comparaison raisonnée des bases articulatoires des deux systèmes. Pour donner un exemple concret, voyons l’analyse très méticuleuse de la voyelle française /i/ dans un manuel de phonétique édité en Union soviétique:

 « Lors de la production de /i/, la langue est avancée d’une façon extrême et la partie médiane de son dos s’élève fortement en direction du palais dur, laissant ainsi un passage assez étroit pour l’air. La pointe de la langue s’appuie contre les incisives inférieures, ses bords se pressent fortement contre les dents du bas (jusqu’aux canines). La partie postérieure du dos de la langue n’occupe pas une position neutre dans la bouche comme en russe mais se tend énergiquement en avant, presque à la verticale ; il se crée un vaste espace libre dans la partie postérieure de la cavité buccale. La forte tension de la langue provoque l’apparition d’un petit creux sur la partie antérieure de son dos. Les commissures des lèvres sont fortement écartées ; en outre, la lèvre supérieure est dégagée comme pendant un sourire, découvrant les dents du haut ; les dents supérieures sont au contraire dissimulées. La distance entre les dents est d’environ 2 mm » (notre traduction, pp. 23-24 In : Viller, M.A ; Gordina, M.V. ; Beljakova G.A. (1978) Fonetika francuzskogo jazyka Leningrad, Prosveščenie)

Précision: les élèves doivent pouvoir expliquer tout cela à leur professeur, son par son…

La méthode articulatoire a été développée à l’extrême en didactique des langues en URSS. Les phonéticiens soviétiques ont très longtemps considéré qu’un adulte ne pouvait pas entendre les sons d’une L2 en raison d’une surdité fonctionnelle. Il ne parviendra à les entendre qu’à partir du moment où il sera sensible aux bases articulatoires de sa L1 et de la L2. En d’autres termes, c’est une bonne articulation en L2 qui assure un déblocage auditif. Dans ce même livre, il est écrit p. 117 que « les personnes éloignées des tâches de la phonétique surestiment souvent le rôle de l’oreille lors de l’acquisition de la prononciation d’une langue étrangère. Savoir coordonner les mouvements subtils et délicats des organes articulatoires, les réaliser de façon dynamique et exacte peut même s’avérer être plus important qu’une bonne oreille » (notre traduction). 
 
L’image ci-dessous propose une vue synthétique de cette approche articulatoire:
 
approche et gymnastique articulatoires

Pour vous faire une idée de l’importance de la méthode articulatoire appliquée à l’enseignement des langues en Russie, vous pouvez lire cet article:

Exercices de gymnastique articulatoire

Vous en aurez une idée précise en vous rendant sur le site indiqué ci-dessous. Le site est créé par des orthophonistes russes mais une traduction en français est assurée. Vous avez la description précise de chaque exercice, avec son nom et des consignes pour sa passation. Ce sont les mêmes exercices de gymnastique articulatoire qui sont proposées aux étudiants russes de langue vivante.

La gymnastique articulatoire en vidéos

J’ai trouvé plusieurs vidéos sur le net, toutes en russe, mais ce n’est pas un problème

  • c’est d’abord très visuel,, le professeur montre, l’élève imite;
  • Si vous avez consulté le site d’exercices de gymnastique articulatoire, vous  les reconnaîtrez aisément.

C’est assez spectaculaire. 

Les trois vidéos suivantes illustrent les exercices proposés par Ol’ga Vaneeva, orthophoniste et coach vocal. La maîtrise est impressionnante. La thérapeute conseille d’avoir un miroir sous la main afin de vérifier l’exactitude des « gestes articulatoires ».

exercices pour la langue

exercices pour la mandibule

Voici également trois vidéos tournées dans des écoles et ateliers d’acteurs. La pratique de la gymnastique articulatoire leur permet d’avoir une diction bien plus précise. Les étudiants insistent sur l’utilité de ce travail.

Utiliser la gymnastique articulatoire en phonétique du fle?

Il y a une différence culturelle entre la Russie et la France en ce qui concerne l’enseignement. Là-bas, le maître est traditionnellement sévère et tout-puissant. Ses consignes et directives ne se discutent pas et doivent être immédiatement exécutées. Et si l’élève réussit, il n’est pas félicité. Le professeur, lui dit qu’il peut faire mieux et place la barre encore plus haut.  Donc, si le prof fait des exercices de gymnastique articulatoire pendant le moment de phonétique en langue vivante, il enjoint aux élèves de se munir de leur miroir de poche et d’un crayon, de s’asseoir convenablement, le dos contre le dossier, les épaules souples, la tête ni trop relevée ni trop abaissée (pour le larynx) et les activités débutent. Et les élèves s’appliquent. 

 

En France, peut-être que de telles activités ont été pratiquées dans la 1ère moitié du XXe. Mais il me semble que cet échauffement musculaire destiné à assouplir et fortifier  les muscles intervenant dans la production parolière a toujours joué un rôle mineur, marginal même, dans l’enseignement des langues vivantes. 

Si vous êtes prof et avez une expérience du travail d’acteur, peut-être serez-vous tenté d’avoir recours à certaines de ces activités. Mais vous prenez un double risque: celui de vous ridiculiser aux yeux de vos élèves, celui d’essuyer un refus plus ou moins catégorique et indigné des personnes à qui vous demandez de vous imiter. 

Voire même, étant donné l’époque à laquelle nous vivons, de vous voir intenter un procès pour atteinte aux bonnes moeurs, machisme patriarcal exacerbé, incitation à la dépravation, paraphilie linguale, que sais-je encore…

 

Approche articulatoire dans l'optique de la méthode verbo-tonale

Crédit photo: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Man_making_a_grimace.jpg

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Abonnez-vous à l'infolettre

afin de recevoir les nouveaux articles du blog

Bienvenue!

Pin It on Pinterest

Share This