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Écouter le français, prononcer le français

Le français oral est loin d’être circonscrit à l’accent « passe-partout » proposé dans la plupart des méthodes de fle. Il se caractérise par une grande variabilité. Certaines ressources offrent l’opportunité d’écouter ces différentes façons de prononcer notre langue. Et aussi, comment (faire) prononcer le français? Vaste, très vaste question… Un ouvrage de phonétique corrective apporte des éléments de réponse.

Écouter le français.

Les accents des Français.

C’est le titre d’un ouvrage paru en 1983, accompagné d’une cassette recensant de brefs enregistrements pris sur le vif de locuteurs représentatifs des grandes variétés régionales du pays.  Les deux premières parties proposent des enregistrements de ruraux, d’un certain âge, issus de couches sociales peu favorisées, et sédentaires. Ces 4 facteurs favorisent une prononciation marquée, donc facilement repérable et représentative d’une prononciation régionale. La dernière partie s’attache à examiner les facteurs sociaux qui jouent dans la standardisation de l’accent en gommant les marques linguistiques d’origine géographique.

Les enregistrements illustrant cet ouvrage sont disponibles sur ce site qui vous propose une initiation à une analyse linguistique et phonétique des prononciations régionales du français hexagonal.   Vous allez visiter une quinzaine de régions de la métropole. Deux enregistrements représentatifs sont disponibles pour chaque région. Vous pouvez télécharger les fichiers son.

L’ouvrage suit une organisation bien pensée. Les prononciations du nord sont présentées tout d’abord. Ce sont elles qui sont les plus proches linguistiquement du français proposé dans les méthodes, de celui entendu dans les médias. Une autre partie est consacrée aux différentes prononciations de la France méridionale.

Chaque leçon est présentée selon un  même plan

  • aperçu historique et géographique
  • présentation du diqlecte
  • texte du français régional où on va retrouver les traces du dialecte (le substrat)
  • examen détaillé des particularités phonétiques du passage
  • tableau synoptique résumant les caractéristiques du système étudié
  • deuxième exemple
  • autocorrection
  • reconnaissance auditive et renforcement
  • indications bibliographiques sommaires

Ce livre est le 1er à décrire précisément la norme du français standardisé qui avait émergé au cours des années 70. Une référence incontournable.

Les variétés du français parlé dans l’espace francophone.

Cet ouvrage s’inscrit dans le cadre de la constitution d’une Base de données sur le français oral contemporain dans l’espace francophone, l’un des objectifs du  projet international PFC (Phonologie du Français Contemporain). Ce Projet s’adresse à un triple public, susceptible de s’intéresser au français oral dans ses usages attestés et dans sa variation au sein de l’espace francophone : chercheurs, enseignants/apprenants de français et grand public.
Il offre une impressionnante masse de documents qui, à terme, constituera la plus grosse base de données orales portant sur le français et l’une des plus grosses bases toutes langues confondues. Cette base peut être utilisée dans le cadre de la recherche (phonétique, phonologie, syntaxe, pragmatique, sociolinguistique, analyse conversationnelle, etc.), de l’enseignement / apprentissage du français (langue étrangère, maternelle ou seconde) et de la diffusion des savoirs (conservation du patrimoine linguistique francophone et présentation générale du français oral contemporain pour les non-spécialistes).

Le site du Projet PFC est d’une grande richesse et à visiter sans faute.

les variétés du français parlé dans l'espace francophone

Les enregistrements illustrant l’ouvrage paru en 2010 accompagné d’un DVD mettant à disposition 2h 30 de conversations enregistrées sont depuis peu directement accessibles en ligne (cliquer sur sommaire à droite de accueil).

Cet ouvrage est d’une grande richesse. Il décrit de façon scientifique les accents de France mais aussi de Belgique et de Suisse, ainsi que les variétés de français parlées en Afrique et en Amérique du Nord. Et pose à nouveau le problème de la norme -le français de référence- et de l’intercompréhension.  On peut se rendre sur ce lien pour appréhender la question.

L’enseignement du français continue une autre initiative majeure du Projet avec une mise à disposition de nombreuses ressources.

Le Projet PFC-EC.

Ce site est destiné aux enseignants et apprenants de français, ainsi qu’aux chercheurs et étudiants en linguistique française qui s’intéressent au français parlé contemporain, saisi dans sa variation orale au sein de l’espace francophone. Il faut impérativement le visiter et découvrir les documents mis à disposition par l’équipe, relatifs au

  • français illustré
  • français expliqué
  • ressources linguistiques
  • ressources didactiques

La pédagogisation de ces documents sonores et autres.

L’on dispose désormais d’une masse de données sonores analysées, commentées, explicitées par des linguistes professionnels: phonologues, phonéticiens, syntacticiens, sociolinguistes… Mais, comment exploiter concrètement ce matériau en classe? Quelles activités, pourquoi, à quelles fins… Rien n’est évident, c’est peu de le dire. Cela engage en tout cas de nouvelles pistes de réflexion pour les phonéticiens didacticiens. Si on veut sensibiliser les élèves à (aux) accent(s), des interrogations parmi d’autres:

  • est-il aujourd’hui réaliste de renvoyer à une norme, à un point de repère, alors qu’à l’évidence il existe maintes façons de prononcer dans l’espace francophone qui constituent autant de normes locales, tout-à-fait vivantes et parfaitement légitimes?
  • De façon non moins évidente, une norme issue du français hexagonal n’est-elle pas actuellement irréaliste compte tenu du fait que la grande majorité des francophones vit en dehors du territoire français. En 2014, une publication de l’OIF estimait à 274 millions le nombre de locuteurs de français répartis sur les 5 continents, dont un peu moins de 63 millions en France.
  • Le monde est en mutation, la notion de parler de prestige tend certainement à être de moins en moins prégnante, l’ouverture vers l’autre passe par l’acceptation de la variation -qui est là de fait- et moins par la stigmatisation d’un accent non conforme (à quoi, la question demeure posée). Cf. en toute fin de billet un ajout de dernière seconde.
Quelques données relatives à la francophonie

Ces indications sont extraites d’un ensemble de données publiées par l’OIF, intitulées La francophonie en chiffres et disponibles ici.

Prononcer le français.

Quel français prononcer? On peut se poser la question à la lumière des lignes précédentes. et même se demander si la phonétique corrective est encore nécessaire[litetooltip targetid= »litetooltip_1454340004821″ location= »left » opacity= »1″ backcolor= » #E54C3C » textcolor= »#ffffff » textalign= »center » margin= »5″ padding= »10″ trigger= »hover »]
boutade d’une collègue phonéticienne 🙂
[/litetooltip] en ce début de siècle où tout se fait très vite et superficiellement.

En cette période morose, un livre à la couverture ensoleillée peut redonner le sourire et inciter à pratiquer la correction de la prononciation. Cet ouvrage est le fruit de la collaboration de trois enseignantes de terrain possédant une solide expertise de la correction phonétique en salle de classe, ayant élaboré un matériel pédagogique de qualité et souvent original, se démarquant des habituels exercices proposés dans la plupart des ouvrages de ce type. Elles savent mettre ce matériau en valeur grâce à un commentaire toujours juste et reposant sur beaucoup de pratique et de bon sens. Dès l’introduction, les auteures précisent que le ton, l’objet et la méthode se veulent « décomplexés ».  Le français décrit est celui de la vie quotidienne, les énoncés brefs issus du registre familier sont privilégiés. Toutes les activités proposées débutent par un temps de lâcher-prise permettant à l’apprenant d’évacuer le stress et aborder la prononciation du français décontracté.

Cet ouvrage propose aux formateurs des pistes pour travailler la prononciation française. De façon décomplexée, il aborde la théorie en des termes simples. Il se décline en trois parties (prosodie, voyelles, consonnes), qui analysent et aident à corriger les difficultés phonétiques des apprenants. Chacune des trois parties est illustrée de fiches d’activités conçues pour être utilisées indépendamment les unes des autres en fonction des besoins de chaque classe.

Les activités de prononciation en groupe se déroulent dans une atmosphère agréable et empathique. Les auteures soulignent qu’elles « font appel  à l’écoute réciproque, au partage de sensations et de représentations, à la co-créativité ». Et de préciser: « le professeur accompagne une pratique plus qu’il n’enseigne une matière »: conscience de l’importance du corps, de la respiration, intérêt de pratiques proches du théâtre, écoute de l’apprenant, etc. L’entrainement individuel permet de prolonger le travail entrepris en classe. Il incite l’apprenant à s’engager dans son apprentissage, à poursuivre la conscientisation effectuée en groupe mais de façon davantage sécure ce qui favorise la prise de risque.

La partie consacrée à la prosodie occupe une part importante de l’ouvrage. Les informations théoriques sont exposées simplement et de façon souvent imagée. L’ensemble est très agréable à lire. Les fiches accompagnatrices sont extrêmement bien pensées avec des infos toujours pertinentes. Elles sont souvent amusantes, vivifiantes, pleines d’humour. L’exploitation pédagogique est très bien amenée.

Les parties relatives aux voyelles et aux consonnes reposent sur une approche articulatoire essentiellement avec des fiches accompagnatrices de facture plus classique.

Le site compagnon est inséparable du livre pour la bonne compréhension et l’illustration in vivo des propositions pédagogiques de l’ouvrage. L’enseignant y trouvera des ressources très pratiques pour animer la prononciation dans sa classe :

  • des fichiers audio qui donnent la version sonore de certains documents proposés dans les étapes de décontraction, concentration ou production ;
  • des vidéos qui illustrent certains gestes associés aux activités pour faciliter l’acquisition du rythme, de l’intonation ou du son ;
  • les corrigés des exercices ;
  • des documents prêts à être projetés ou imprimés, des cartes prêtes à imprimer et à découper.

Vous accédez au site en cliquant ici.

Une ressource à ne pas manquer! Je ne doute pas qu’elle vous donne l’envie de (faire) prononcer le français!

Dernière seconde: appel de soutien en faveur de l’accent toulousain.

Ce titre mérite une explication. Nul aujourd’hui ne saurait ignorer que l’accent toulousain est considéré comme le plus sexy de France. Ce au terme d’un sondage particulièrement fiable. J’avais évoqué cet événement à la fin d’un autre billet. Dans le présent article, je fais allusion à la stigmatisation due à l’accent. Et ce matin, au moment de mettre ce papier en ligne, je reçois un courriel m’indiquant un article traitant de glottophobie, un terme créé par Ph. Blanchet, désignant  de vraies discriminations qui reposent sur la langue ou les accents, étrangers ou régionaux. Ph. Blanchet, que je cite à maintes reprises dans ce blog, est l’auteur d’un petit livre paru le mois dernier, que j’ai acheté mais pas encore lu (je viens à peine de finir de corriger des copies de partiels, l’une des tâches les plus exaltantes de ce noble métier).

Je lis l’article avec intérêt et mes yeux horrifiés parcourent le passage suivant:

Quelqu’un qui parle avec l’accent toulousain fait-il partie des dominés ?
Oui, clairement, mais pas forcément pour tout. J’ai recueilli plein de témoignages de gens du grand Sud-Ouest qui ont essuyé des refus lors de concours d’enseignants. Autre exemple, récent : une femme qui travaillait dans la communication avec un accent toulousain, à qui on a demandé de prendre des cours de diction.

Et c’est un Marseillais vivant à Rennes qui trahit ses frères du Sud. O tempora! O mores!

Plus sérieusement, voici  l’article, il est très intéressant à lire. Et je suis certain que le livre de Ph. Blanchet est passionnant. Certains des travaux de ce sociolinguiste très engagé en fle sont indiqués dans le blog.

Orientation bibliographique.

DETEY S., DURAND J., LAKS B. & LYCHE C. (éds.) (2010). Les variétés du français parlé dans l’espace francophone: ressources pour l’enseignement (avec DVD). Paris: Ophrys.
DETEY S., DURAND J., LAKS B. & LYCHE C. (dir.) (2010). PFC-EF (Phonologie du Français Contemporain – Enseignement du Français): bilan d’un projet de recherche appliquée pour la diffusion du français parlé dans l’espace francophone via Internet. Rapport de recherche dans le cadre du programme Valorisation et usages de corpus oraux 2008-2009, DGLFLF, Ministère de la culture et de la communication, 137p.
DETEY S., LYCHE C., TCHOBANOV A., DURAND J. & LAKS, B. (2009). Ressources phonologiques au service de la didactique de l’oral: le projet PFC-EF. Mélanges CRAPEL 31, 223-236.
DETEY S., DURAND J., LAKS B., LYCHE C. & NOUVEAU D. (2007). Voix de la francophonie, éducation langagière et corpus numérisé : PFC-EF, des ressources pour la didactique du français. In S. Detey & D. Nouveau (éds.) Bulletin PFC 7 : « PFC : enjeux descriptifs, théoriques et didactiques ». Toulouse : CLLE-ERSS, Université de Toulouse II, 11-29.

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