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Semi-consonnes, semi-voyelles

Semi-consonnes et/ou semi-voyelles? En fait, tout le monde a raison, c’est une question de point de vue. Cet article comprend deux temps. Tout d’abord, nous dégagerons le statut de ces sons particuliers souvent qualifiés de glissantes et qui présentent certaines singularités. Nous les traiterons ensuite dans une optique de phonétique du fle.

Semi-consonnes ou semi-voyelles, en tout cas bien glissantes…

Ces trois sons présentent un certain nombre de particularités:

  • sur le plan articulatoire, elles rappellent les voyelles /i/, /y/ et /u/ mais avec un écart langue-palais moins important, d’où le bruit de frottement caractéristique des fricatives;
  • acoustiquement, elles comportent des formants caractéristiques des voyelles. Leur durée est moindre que pour une vocoïde. Ces trois sons sont essentiellement des sons de transition avec des pentes marquées d’où le nom de glides ou de glissantes.

La figure ci-dessous reprend l’ensemble de ces informations.

Les trois glissantes du français

Semi-voyelles, pourquoi cela?

Les phones [j], [ɥ] et [w] apparaissent en distribution complémentaire avec les voyelles correspondantes /i/, /y/ et /u/. Le contexte détermine automatiquement la réalisation, ainsi que cela apparaît dans les exemples suivants:

 
voyelle entre deux consonnes semi-voyelle après consonne et devant voyelle dans la même syllabe
exemples [mɑ̃disite] mendicité [mɑ̃djɑ̃] mendiant
[viʁʒinite] virginité [vjɛʁʒ] vierge
[tyʁi] tuerie [tɥe] tuer
[plyvjø] pluvieux [plɥi] pluie
[ɛ̃stʁɥi] instruit [ɛ̃stʁyksjɔ̃] instruction

Dans cette perspective, [j], [ɥ] et [w] sont des allophones de /i/, /y/ et /u/.

Semi-consonnes, pourquoi cela?

Il s’agit d’un point de vue fonctionnel. Ces trois sons se comportent comme des consonnes , non comme des voyelles. Les glissantes en français ne peuvent jamais

  • être sommet ou centre de syllabe,
  • être frappées par un accent;
  • apparaître seules,

ce rôle étant toujours dévolu à la voyelle.

Signalons au passage que

  • la distinction /w/ vs /ɥ/ ne se fait pas dans certaines régions
    • ainsi dans les Ardennes seul le timbre [ɥ] est distingué: oui n’est pas réalisé [wi] mais [ɥi];  il s’enfouit et il s’enfuit sont tous deux prononcés [sɑ̃fɥi];
    • en Belgique francophone, /ɥ/ est absent du système phonologique, seul le timbre [w] est réalisé: huit se prononce [wit].
  • certains mots peuvent être prononcés soit avec la semi-consonne soit avec deux voyelles successives (phénomène de diérèse): nuage peut être prononcé [nɥaʒ] ou [nyaʒ]; louer est réalisé [lwe] ou [lue]. Ceci dépend entre autres
    • du débit de parole;
    • de la position du son à une  joncture morphologique:[litetooltip targetid= »litetooltip_1479565418853″ location= »top » opacity= »1″ backcolor= »#E54C3C » textcolor= »#ffffff » textalign= »center » margin= »5″ padding= »10″ trigger= »hover »]
      Pour les détails, cf. l’excellent traitement de ces sons dans Callamand (1981), ouvrage essentiel rappelé dans la bibliographie.
      [/litetooltip]  tu as [tɥa] ou [ty˚a]; saluer [salɥe] ou [saly˚e]; marié [maʁje] ou [maʁi˚e]; avouable [avwabl] ou [avu˚abl];
    •   de la région d’appartenance du locuteur;
    • du style (poétique par ex.).

Le traitement des glissantes en phonétique corrective du fle.

Il est impératif de les considérer comme des semi-consonnes.

A partir de là, un certain nombre de difficultés s’estompent. Prenons  quelques exemples de glissantes prononcées: fillette; travailler; yod; wallon; toiture; ennuyeux; appuie; bohémien; mayonnaise; étoile; employé; parapluie, bercail…

Si nous opérons un découpage syllabique, nous constatons aisément que la semi-consonne prononcée est

  • en position d’attaque de syllabe: fillette; travailler; wallon; mayonnaise; yod;
  • après consonne devant voyelle dans la même syllabe: toiture; ennuyeux; bohémien; étoile; employé; parapluie; appuie;
  • en finale absolue: bercail. A ce propos, seul /j/ peut apparaître en finale, les deux autres semi-consonnes ne sont jamais réalisées dans cette position.

Le découpage syllabique à l’oral se fait sans problème. Les trois sons de transition glissent sans difficulté. MAIS… ils ne sont pas repérables à l’écrit dans les exemples en supra. Car représentés au moyen de lettres-voyelles. D’où la question: faut-il les travailler à partir de l’écrit? Certainement pas, en tout cas lorsque on commence l’étude du français. Les glissantes font l’objet de certaines erreurs qu’il n’est pas difficile de corriger à l’oral (cf. en infra). L’écrit rend la situation bien plus complexe, même si à un moment une explication peut être nécessaire pour certains apprenants. Vous trouverez tous les renseignements utiles dans les deux ouvrages de Léon (1978; 2009) indiqués en bibliographie.

Ce qui est important, c’est de comprendre le fonctionnement de ces semi-consonnes, ayant statut de phonèmes et non de variantes combinatoires, dans le système du français.

Ce fonctionnement s’éclaire si on se fonde sur un classement des consonnes à partir de l’opposition bruyantes vs sonantes, parfois utilisée pour les sons du français. Elle apparait dans le tableau suivant – la définition des termes s’affiche en passant le curseur sur le point rouge-:

[litetooltip_hotspot id= »4870″]

Au sein des bruyantes, l’opposition sourdes/sonores se manifeste dans toutes les positions de mots lexicaux: initiale: pâle / balle; médiane: assure / azur; finale: hache / âge, etc.

Les sonantes ont un fonctionnement différent. Elles sont traditionnellement présentées comme étant sonores. En fait, elles sont sourdes ou sonores en fonction de leur environnement consonantique. Dans une séquence C1C2V où C1 est une bruyante, C2 une sonante suivie de voyelle, il s’opère une assimilation progressive: la bruyante influence la sonante subséquente: si elle est sonore elle communique ce trait à sa voisine C2,; à l’inverse C2 devient sourde si telle est la nature de la C1 précédente. Ce qui est résumé par la  tableau suivant:

Traitement des erreurs phonétiques les plus fréquentes.

Elles sont recensées dans le tableau suivant. La mise en place de ces sons n’est pas difficile. Elle passe par un emploi systématique de procédés prosodiques -mouvement rythmico-mélodique, variations de durée- et l’utilisation de la prononciation nuancée.  Il faut beaucoup jouer sur le facteur quantité (la durée):

  • quand on exploite le procédé de diérèse tel que mentionné dans le tableau, il est bon d’allonger les sons. Ce afin d’offrir une chance supplémentaire à l’apprenant de les entendre correctement;
  • l’accélération du débit de parole permet de passer naturellement de la séquence de deux voyelles successives à celle comprenant la sonante. Là encore, le professeur peut jouer sur le facteur quantité en prenant son temps; il part  du procédé de diérèse exagérément ralenti (éventuellement) pour accélérer progressivement le débit. Il convient de ne pas oublier que la semi-consonne est un son de transition dont la durée est très brève. Le fait de proposer à l’élève des productions ralenties au départ peut lui fournir une aide supplémentaire pour la perception et la gestion de ces sons particuliers;
  • le travail sur les timbres de [w] et [ɥ] s’effectue préférentiellement en les plaçant en sommet intonatif et/ou en intonation montante. Ils sont ainsi mieux perçus.

Une remarque: si des francophones ont un système à deux semi-consonnes comme évoqué plus haut, il semble normal qu’ils n’enseignent pas celle qui leur fait défaut. En écrivant ceci, je prends des risques…

Procédés de correction des semi-consonnes

L’image ne s’ouvre pas sous Safari, le navigateur de la marque la plus désintéressée, altruiste, généreuse, etc. etc. qui ferait passer Onc’Picsou pour un généreux mécène. Utilisez un autre navigateur.

Orientation bibliographique.

Callamand, M. (1981) Méthodologie de l’enseignement de la prononciation Paris, Clé international

Léon, P. (1978) Prononciation du français standard Paris, Didier (4ème éd.)

Léon, P et al. (2009) Phonétique du fle. De la lettre au son Paris, Armand Colin

Wioland, F. (2005) La vie sociale des sons du français Paris, L’Harmattan

6 commentaires sur “Semi-consonnes, semi-voyelles”

  1. Bonjour monsieur,

    J’aimerais vous demander pourquoi on écrit la voyelle  » i  » avant la semi – consonne [ j ] dans des mots comme crier [ k r i j e ] et plier[ p l i j e ]
    , alors qu’on ne met pas cette voyelle dans d’autres mot comme nier [ n j e ]
    et pied[ p j e ]

    1. Dans le 1er cas, c’est dû à la présence de la consonne « sonante » /R/ et /l/. Dans le 2ème cas, on écrit et on prononce comme vous l’indiquez. Cependant certaines personnes peuvent prononcer avec une diérèse, c’est-à-dire l’ajout d’une voyelle ainsi [nije] ou [pije]

  2. Bonjour,

    Vous en avez oublié une !… C’est normal puisque personne n’en parle ; elle n’est même pas reconnue officiellement, mais on la prononce et entend réellement !

    C’est la semi´consonne [ω], autrement dit, un [o] bref qu’on trouve dans des mots comme /mois/ [mωa], moins [mωɛ̃], ect. Dans les dictionnaires, elle est notée [w], ce qui fait que l’on devrait prononcer «mouas» et «mouains». Cette semi-consonne existe aussi en roumain, laquelle est notée [o̯], comme des mots tels que /foarte/ [ˈfo̯arte]. Personnellement, je la note [ω] ; ce symbole rappelle à la fois le /w/ et le /o/, C’est un /o/ consonnique.

    Salut,
    Eiffel.

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