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Paul Rivenc in memoriam

Paul Rivenc, l’une des plus éminentes figures du fle dans le monde, nous a quittés ce lundi 5 mai à l’âge de 93 ans. C’est en tant qu’ancien étudiant que je souhaite lui rendre hommage. Un texte écrit dans l’émotion et avec le coeur.

Paul Rivenc, c’est…

Plus de 40 ans de vie professionnelle entièrement consacrée au fle mais également à l’espagnol ainsi qu’au portugais;

Le Français Fondamental, première enquête de type sociolinguistique menée entre 1951 et 1954 et portant sur le vocabulaire et la grammaire du français parlé. Ce travail mené avec G. Gougenheim, et R. MIchéa a servi de base pour établir le contenu linguistique de l’enseignement du français langue étrangère au niveau débutant. Il a été utilisé dans l’élaboration des méthodes de fle pendant plus de 20 ans;

La création, avec P. Guberina, du courant structuro-global audio-visuel (SGAV) qui a donné lieu à la période des méthodes audio visuelles (MAV) dans les années 60-70 et au début des années 80. Avec, pour le fle, trois ensemble pédagogiques qui ont profondément marqué leur époque:

  • Voix et images de France (VIF) en 1960;
  • De Vive Voix (DVV) en 1972;
  • Archipel en 1982.

Ces ensembles pédagogiques ont été édités chez Didier. Sous l’impulsion de P. Rivenc et grâce au dynamisme du SGAV, plus de 30 cours différents portant sur 14 langues ont été conçus entre 1962 et 1984. La plupart de ces méthodes, portées par des équipes internationales, sont sorties chez le même éditeur.

La méthode verbo-tonale (MVT) mise au point par Guberina initialement pour les malentendants est intégrée à la méthodologie SGAV pour l’enseignement du fle et d’autres langues étrangères. Pour les pères fondateurs de la méthodologie (P. Rivenc, P. Guberina, R. Renard) SGAV et MVT ne font qu’un: l’un ne peut fonctionner sans l’autre;

la formation d’enseignants et de formateurs. Rivenc y a consacré un temps considérable, en France (Besançon, Royan, Montpellier) ainsi que dans de nombreux pays étrangers. Il a toujours insisté sur le fait que ce travail ne pouvait être mené qu’en équipe. Et que l’action de terrain devait être à la base de l’investissement du formateur. A cette époque, les formateurs de la mouvance SGAV n’hésitaient pas à payer de leur personne. A animer eux-mêmes des classes de démonstration. A interagir en permanence avec les formés. Et à discuter ensemble des problèmes rencontrés durant les classes afin de trouver ensemble des réponses possibles conduisant à l’amélioration des pratiques.

Relisez les publications des équipes du CREDIF. Parcourez les articles signés par des noms aussi prestigieux que H. Besse, J. Courtillon. M. Martins Baltar, G. Barbé, R. Renard, J. Murillo pour ne citer qu’eux. Et vous saurez ainsi ce qu’est une méthodologie appliquée au fle par des formateurs alliant pratiques et recherches Et capables de se confronter avec leurs formés dans l’arène de la salle de classe en leur fournissant des réponses concrètes car forgées à l’épreuve du terrain et débattues entre pairs pour trouver les meilleures formes d’applications possibles.

C’était une autre époque.

Paul Rivenc reste…

pour moi un homme d’un charisme et d’une générosité exceptionnels. Et c’est celui que j’ai envie d’évoquer dans ces quelques lignes. Depuis l’annonce de sa disparition, tous les bons moments, et ils sont nombreux,  tournent en boucle dans ma tête et ils s’imposent par rapport à des moments plus difficiles, car il y en a eu.

Rien ne me destinait à faire du fle et c’est par hasard qui j’ai dû m’inscrire à la formation dispensée à l’université de Toulouse Le Mirail où P. Rivenc était en poste et responsable des enseignements fle.  J’étais prof de russe à cette époque, et le milieu de la Slavistique en France était assez particulier. Et là  ce fut une révélation. Des enseignants disponibles, à l’écoute de leurs étudiants, faisant tout leur possible pour transmettre leur passion du fle. L’exact contre-pied de ce que j’avais jusqu’alors connu. Conséquence: je me plonge dans le fle avec délices, découvre la MVT au passage moi qui avais la phonétique en horreur  et décide de poursuivre en maîtrise.

Et c’est alors que je rencontre Paul.

Je suis accueilli par un géant débonnaire, à la voix puissante et au geste rond, qui me donne du « cher collègue » quand il apprend que j’enseigne le russe!!! Et nous discutons deux heures de rang. Et convenons de nous revoir au plus tard dans une dizaine de jours.

Et cette fréquence de rencontres se renouvellera durant les années de maîtrise, de DEA et de doctorat. A chaque fois Rivenc me consacrait deux ou trois heures, avait lu les documents que je lui avais transmis, avait des questions en pagaille.

Ces années de recherches sous la direction de Paul restent les plus exaltantes de tout mon parcours universitaire.

Rapidement, Rivenc me donne accès à sa fabuleuse bibliothèque. Il m’envoie à Mons faire la connaissance de Raymond Renard, autre monstre sacré dont l’ouvrage sur la MVT était devenu mon livre de chevet. Renard me réserve également un accueil d’une chaleur et d’une gentillesse hors du commun. Et c’est grâce à lui que je lie connaissance avec un certain Pietro Intravaia, alors prof à l’Ecole d’Interprètes Internationaux. Et un certain Bernard Harmegnies Premier assistant au Labo de Phonétique dirigé conjointement par R. Renard et A. Landercy. Plus l’extraordinaire ingénieur du son régnant en ces lieux, Eric Erculisse.

Et Paul m’entraine dans son sillage dans l’association SGAV. Pendant des années, j’assiste à des réunions passionnantes avec des gens passionnants, la mise en place de projets divers. Et toujours ce travail d’animation et de synthèse sous la houlette de Rivenc, Renard et Murillo qui parviennent à extirper le positif de tous les échanges, parfois tumultueux.

◊◊◊

L’image que je conserve de Paul: un bourreau de travail, passionnément attaché à son métier, d’une grand exigence professionnelle, un homme d’action toujours sur la brèche, partisan du  travail en équipe. Paul, c’est aussi un homme d’engagement, aux idées généreuses, au comportement bienveillant,  aux actes altruistes: combien de réfugiés espagnols a-t-il accueillis, est-il allé chercher dans les geôles des commissariats?

Voilà le Paul Rivenc que j’aime.

 

 

Photo en licence CC: vue de Carmaux dans le Tarn, ville natale de P. Rivenc

 

 

 

3 commentaires sur “Paul Rivenc in memoriam”

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