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La phonétique à visée didactique a le vent en poupe

La phonétique à visée didactique a décidément le vent en poupe avec un nouveau n° spécial de revue qui lui est consacré. Présentation dans cet article.

Mise en bouche

Tous les théoriciens et praticiens qui s’occupent de l’enseignement des langues étrangères, reconnaissent aujourd’hui la grande importance de la composante orale de la langue étrangère étudiée.

L’acquisition des moyens d’expression orale en langue étrangère est devenue primordiale, Aujourd’hui, les langues présentent des avantages fonctionnels, utilisables chaque jour, elles constituent un instrument de communication indispensable tant sur le plan professionnel que pour les loisirs ou les voyages.

Les priorités d’enseignement, sinon d’apprentissage, se sont alors transformées, et les compétences orales ont acquis une importance décisive puisque le plus grand nombre des communications en langue étrangère s’effectue à l’oral.

Il est alors essentiel de souligner qu’à l’oral, pour se faire comprendre, une prononciation correcte est nécessaire, car celle-ci constitue la base de toute compétence communicative. La perception auditive et la reproduction correcte constituent des paramètres fondamentaux dans la construction de la compréhension puisque les sens transmis peuvent différer à partir de la mauvaise interprétation d’un phonème ou bien d’une caractéristique prosodique.

Un constat désabusé

Nous devons en revanche constater qu’encore aujourd’hui, la phonétique corrective continue d’être appréhendée comme le parent pauvre ou la laissée pour compte dans l’enseignement/apprentissage du FLES (Français Langue Etrangère et Seconde). Pour beaucoup d’enseignants, elle constitue un véritable talon d’Achille dans leur gestion de l’oral en classe. Ils se sentent très souvent complètement démunis et impuissants face aux erreurs de prononciation de leurs élèves qu’ils savent pas et/ou ne parviennent pas à corriger. De même, ils ne savent que faire si ces derniers parlent en adoptant un rythme et/ou des intonations qui rendent leurs propos incompréhensibles.

Un récent n° de Recherches et Applications (n° 60, juillet 2016) coordonné par L. Abou Haidar et R. Llorca : L’oral dans tous les sens: de la phonétique corrective à la didactique de la parole fait le point sur la situation actuelle de la phonétique corrective. A travers les propos de certains contributeurs, on y retrouve en filigrane ce sentiment de désaffection et de crainte envers la discipline. Ces sentiments équivoques sont également présents dans le récent n° de Recherches et Didactique des Langues et des Cultures coordonné par J. Sauvage et M. Billières Volume 16-1, 2019 – Enseigner la phonétique d’une langue étrangère : bilan et perspectives. Les deux responsables de cette publication à venir pointent d’emblée le manque flagrant de formation et d’information des (futurs) enseignants ainsi que la place marginale occupée par la phonétique corrective en didactique du FLE.

En effet, la phonétique est trop souvent négligée dans les cours de langue ce qui résulterait d’un manque de formation et d’outils pédagogiques. Bon nombre d’enseignants ont des connaissances insuffisantes dans le domaine de la phonétique. La phonétique n’intéresse pas les enseignants car elle est jugée rébarbative et trop complexe. Le problème est d’autant plus préoccupant lorsque l’enseignant n’est pas de langue maternelle française et qu’il ne maîtrise pas toujours le français aux niveaux phonétique et prosodique. Par conséquent, comment ces enseignants peuvent-ils faire travailler leurs élèves sur la bonne prononciation du français alors qu’ils ne la maîtrisent pas bien eux-mêmes ? 

Il arrive souvent que les enseignants souhaiteraient faire des efforts en classe mais à cause de leur méconnaissance, à cause d’une formation insuffisante, ils n’ont pas les moyens de mettre en œuvre une véritable pédagogie de la prononciation. Ils n’ont pas eu la possibilité d’acquérir des techniques de correction. Par conséquent, ils délaissent totalement la correction phonétique ou bien ils essaient de corriger la prononciation en classe en utilisant la méthode articulatoire. Malheureusement, ils n’obtiennent pas de bons résultats, ou comme ils n’ont pas conscience qu’il s’agit d’un travail à long terme, ils se découragent vite. De plus, la marginalisation de la phonétique corrective dans la classe de langues est encouragée par les programmes proposés dans les établissements scolaires. Ils privilégient trop souvent l’écrit : les aspects grammaticaux et lexicaux, littéraires de la langue ainsi que la traduction.

Une thématique riche et diversifiée

La phonétique corrective concerne de nombreux domaines de la didactique des langues, des sciences du langage et, plus largement, de nombreuses disciplines des sciences humaines et sociales. Elle consiste en la correction des sons, ce qui revient à lever des ambiguïtés au niveau du code linguistique. Elle concerne le rythme et l’intonation et par là même contribue aux activités de décodage, de segmentation, de modalisation, de construction du sens…

 La gestualité co-verbale est également à mettre en relation avec les mouvements rythmico-mélodiques produits pendant un énoncé en parole spontanée. La culture est également convoquée. Chaque communauté linguistique évolue dans un monde sonore qui lui est propre.

La phonétique corrective constitue de fait un formidable terrain d’exploitation pour des pratiques pédagogiques innovantes, permettant de lui donner vie dans l’enseignement/apprentissage du FLE.

L’objectif de ce numéro est d’exposer les résultats de pratiques de classe ayant pour objet l’amélioration de la prononciation des apprenants en français langue étrangère et seconde (FLES).  Les contributions proposées dans ce numéro portent sur les thèmes évoqués plus haut, prioritairement consacrées à des pratiques de classe originales et assurant des résultats probants. Les auteurs proposent des pistes de travail, des outils pédagogiques qui peuvent être utilisés en complément des méthodes de FLE.

Présentation des contributions

Dans un premier temps, nous proposons deux articles qui montreront l’importance de l’aspect affectif dans l’apprentissage d’une langue étrangère et tout particulièrement au niveau de la correction phonétique. Selon Eugénie Mottironi, l’émotionnel dans l’enseignement signifie plus que la motivation ou les représentations mentales des apprenants. Faire appel aux émotions dans ce cadre est un principe méthodologique : utiliser un ensemble expressif dans lequel le message sonore va se fondre. La mobilisation de la proprioception des apprenants sur le vecteur d’activation physiologique des états émotionnels permet l’ancrage du processus d’apprentissage dans la réalité individuelle de chacun et favorise la correction des erreurs dues au manque/excès de tension vocalique.

 Petit-Félix propose un exemple de travail sur l’utilisation de chansons en classe de langue ce qui permet une approche de la phonétique de manière originale tout en incluant aussi l’approche affective. Elle propose ici un inventaire des intérêts du support selon différentes approches, à la fois cognitives, linguistiques et immersives. Elle souhaite mettre en avant l’utilité de sensibiliser les apprenants à l’écoute de chansons parallèlement à l’apprentissage d’une langue ainsi qu’à la pratique d’activités originales comme le chant.

Les articles suivants proposent des études contrastives entre les systèmes phonologiques du français et d’autres langues étrangères afin d’établir un système de fautes de prononciation que nous pouvons rencontrer chez les apprenants étrangers qui apprennent le français. Les auteurs donnent ensuite des conseils dans l’utilisation de la méthode verbo-tonale afin de corriger les erreurs types rencontrés chez les apprenants en question. Kanjir, Dobric et Oreskovic Dvorskicommencent par un travail d’analyse comparative entre les sons /R/ en français et /r/ en croate. Hamm et Czellér-Farkas montrent ce qu’une étude comparative acoustique a permis d’apporter quant à l’identification d’interférences entre langue source et langue cible et quant à la correction phonétique d’un public linguistique déterminé : les magyarophones. Elles fourniront quelques astuces de remédiation et montreront ce que nos pratiques de classe pour ce public auront permis de retenir.

 Rimpault propose des solutions concrètes en remédiation phonétique basées sur la méthode verbo-tonale (MVT), sur une étude approfondie auprès de l’interphonologie de locuteurs sinophones.

Par la suite, Dobric et Zvonar analysent la prononciation de la consonne occlusive dentale affriquée /d/ par les étudiantes croatophones de FLE. Elles donnent des exemples de correction de la prononciation de cette consonne en adoptant les mouvements du corps qui peuvent aider les enseignants à corriger ces erreurs.

Billerey se base également sur la méthode verbo-tonale pour proposer un exemple d’activités de correction de la prononciation de la voyelle [ø]. L’article est nourri de quelques exercices concrets à utiliser en classe.

Sabatier et Charlent décrivent le déroulement des cours de phonétique intégrés aux Cours de Civilisation française de la Sorbonne. Les auteurs prennent en compte non seulement le niveau général de français mais aussi les différentes langues maternelles des étudiants.

Billières se livre à une synthèse. Le poids de la tradition est tel dans ce domaine si particulier qu’est la phonétique corrective que l’on peut avoir l’impression d’un univers immuable depuis des décennies. En réalité, de profondes transformations sont à l’oeuvre grâce à l’utilisation des nouvelles technologies et d’internet qui permet d’accéder à de nouveaux produits.

Où trouver ce numéro exceptionnel

Pour vous procurer ce n° de la revue Inter-lignes
proftez-en

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