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communication humaine vs communication animale 1/2

La communication est omniprésente dans le monde du vivant. Les hommes communiquent, les animaux, communiquent. Même les plantes communiquent, et de quelle façon! De là à parler de langage, pour les animaux et, pourquoi pas, pour les plantes, il n’y a qu’un pas.

Cet article va aborder quelques aspects de la communication animale. Avec en bonus, un podcast tout récent de France Culture consacré à la communication chez les plantes. Assez stupéfiant! Figurez-vous que certaines d’entre elles ont développé une grande sensibilité à leur environnement et à « tout ce qui change autour d’elles ». À commencer par l’ouïe : certaines fréquences, notamment les basses, favorisent leur croissance, elles y sont sensibles « parce que ce sont celles de l’eau qui coule ». Etonnant, non? Ecoutez la chronique de J. Munier en fin d’article.

Un 2ème article traitera de la communication humaine et de ses spécificités qui établissent des frontières infranchissables avec n’importe quel langage animal, aussi sophistiqué soit-il.

La communication animale

La communication animale constitue une recherche interdisciplinaire intéressant, entre autres, les éthologues, les psychologues, les sociologues, les chimistes, ou encore les linguistes. Elle peut fournir des pistes de recherches et des modèles pour l’étude des communications humaines. Elle peut aussi permettre de mieux comprendre en quoi le langage humain est fondamentalement différent de celui des animaux et quels sont les points communs qu’il partage avec eux.

La communication animale consiste en l’émission de signaux ou de combinaisons de signaux d’un individu à un autre individu (ou plusieurs), permettant à chacun de se faire reconnaître par ses semblables. Ces signaux peuvent être communs à l’espèce, au groupe social, mais aussi à la famille ou à un seul sexe.

La communication animale permet aussi de s’affirmer (messages de soumission, d’agressivité, de peur); des signaux de fraternité, de coopération modulent également la vie des animaux sociaux. La mère et son petit échangent aussi des messages ayant trait à l’alimentation, à la protection et à l’éducation.

Les signaux peuvent être transmis par plusieurs medias comme rappelé dans la figure suivante:

communication médias utilisés

Trois exemples de communication animale

Les baleines

C’est en immergeant des hydrophones afin de détecter la présence de sous-marins japonais après l’attaque de Pear-Harbour, que les techniciens de la marine se rendirent compte que le « monde du silence » était peuplé de bruits.

Nous n’entendons pas ces bruits car l’oreille humaine est théoriquement capable de percevoir des sons compris sur une échelle de 16 Hertz (Hz) à 16.000 Hz. Au delà, sont produits des ultra sons que l’oreille ne peut entendre. Les chiens y sont par contre très sensibles. En dessous de 16 Hz sont produits les infra sons, également indétectables par notre oreille.

Champs auditifs de quelques espèces

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Des enregistrements des chants des baleines mettent en évidence que ces mammifères produisent plusieurs sortes de sons; certains sont aigus, modulés et très variés, d’autres sont graves, beaucoup plus puissants eu moins variés. Ces chants harmonieux peuvent durer de six à trente minutes.

On peut se demander comment les baleines produisent leurs sons puisqu’elles n’ont pas de cordes vocales. Lorsque elles sont en plongée, l’air expiré agit sur des valvules disposées dans le canal des évents. Ceci assure la modulation de la « voix » à haute et basse fréquence. De même, on peut s’interroger comment entendent les baleines?  L’orifice de leur oreille mesure moins de 2 cm de diamètre. Mais cet orifice amène les sons jusqu’à l’oreille interne et les os sont d’excellents conducteurs du son.

Ainsi, on peut capter des grognements, des mugissements, des sifflements, etc. Les baleines émettent des sons graves qui ont la propriété de se propager dans l’eau à des distances considérables (le son se déplace quatre fois plus vite dans l’eau que dans l’air) et qui atteignent des congénères lointains. Simultanément, les cétacés émettent des sons plus aigus qui parcourent quelques centaines de mètres avant de se perdre dans le bruit de fond des vagues; ils sont destinés à des congénères proches et la grande variété de modulations de ces sons permet de supposer que l’animal transmet  une grande quantité d’informations.

Voulez-vous entendre le chant des baleines? Vous allez le découvrir dans une jolie vidéo, c ‘est par ici.

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Ainsi, la baleine n’est pas un animal isolé car elle demeure en contact acoustique permanent avec les siens sur une très grande surface. On sait qu‘un rorqual peut entendre n’importe quel congénère de n’importe quel endroit sur 755 000 m 2 d’océan.

Les baleines constituent un groupe bien socialisé. Les mères se rassemblent dans un espace bien délimité pour s’occuper des baleineaux. Elles communiquent constamment entre elles. Elles témoignent de la tendresse envers leurs petits qu’‘elles caressent ou maintiennent contre elles.

Beaucoup d’autres animaux marins produisent des ultra sons qui leur permettent de rester en contact et de chasser : les dauphins, les marsouins, les phoques, les cachalots, les orques…

 

Les éléphants

La communication est très développée chez les éléphants. Pendant longtemps, on a constaté que les mâles et les femelles adultes vivaient en troupeaux séparés, qu’‘ils n’avaient pas de saison fixe pour leurs amours et qu‘ils se déplaçaient de façon erratique sur de vastes territoires. Mais lorsque des troupeaux appartenant à un même clan se rencontraient, les rituels obeissaient à des règles strictes : salutations  barrissements, danse en cercle en urinant.

Des études systématiques furent entreprises au milieu des années soixante-dix.

L’éducation d’un éléphanteau dure deux ans pendant lesquels il demeure sous la surveillance constante de la mère et des soeurs, tantes, cousines. Le contact joue un rôle capital : le petit éléphant est sans cesse dans les pattes de sa mère; sa trompe, dont il fait un usage maladroit au début, est également un organe tactile important : elle combine le toucher et l’odorat et permet ainsi de connaître l’humeur de chacun.

L’éléphanteau vit avec ses camarades sous l’étroite surveillance des femelles qui contrôlent les aires de jeux, de repos. A un moment donné, la matriarche bat le rappel : ses oreilles battent l’air, une vibration douce est émise, le cuir de sa trompe frémit par saccades. Ce murmure feutré, à la limite de l’inaudible, est amplifié par les sinus et l’air contenu dans la trompe.  Les éléphants se rassemblent autour des femelles qui les amènent en groupe compact vers un autre endroit. Vers l’âge de 14 ans, les mâles sont chassés de leur famille, car les éléphants pratiquent une stricte séparation des sexes. Ils vivent généralement ensemble, sauf quand ils sont en chaleur; ils deviennent alors solitaires et partent à la recherche de l’âme soeur.

Les femelles ne sont sexuellement disponibles que quelques jours tous les quatre ans : la gestation dure deux ans et l’éducation du petit aussi. Un mâle en chaleur présente des signes caractéristiques. Il trouve une femelle réceptive et, au terme d’une joute sans merci avec ses rivaux, obtient les faveurs de la belle qu‘il honore toutes les deux heures jusqu’à ce qu‘elle le congédie.

Comment les éléphants se retrouvent-ils malgré les grandes distances? Comment les mâles savent-ils qu‘une femelle est sexuellement disponible?  Ce sont les seuls animaux terrestres à utiliser des ondes infra sonores afin de se transmettre des informations vitales pour leur survie et leur perpétuation. Voici deux exemples concrets

 – un expérimentateur procède à l’enregistrement du dialogue entre deux éléphants sur un magnétophone de type professionnel : il n’entend rien, sinon un murmure, mais les vu-mètres de son appareil s’affolent.  Un spectrogramme (une photo des sons) est réalisé et il apparaît que les fréquences émises par les pachydermes se situent entre 18 et 25 Hz; mais la force sonore (l’intensité) des cris atteind 88 Db, ce qui équivaut à un klaxon de voiture à 4 mètres

 – le grondement d’un mâle en chaleur atteind 105 Db, soit l’équivalant d’un avion à quelques mètres.

Une telle énergie permet de se jouer des distances et la communication devient possible, d’autant plus que les émissions par infra sons ne sont pas interrompues par des obstacles naturels tels que forêts ou montagnes. Le contact est ainsi maintenu entre les familles. Pour une bonne réception de ces messages, le troupeau tout entier se fige sur place. Son immobilité peut durer plus d’une minute et permet une écoute parfaitement synchronisée. A ce jour, plusieurs dizaines d’appels spécifiques ont été identifiés et le décryptage de la communication des éléphants n’en est qu‘à ses débuts… à condition que l’espèce ne soit pas anéantie.

 

 

Les singes

Il s’agit là d’expériences connues dont nous rappellerons quelques exemples :

  • Un bébé chimpanzé, Viki, est élevé en même temps qu‘un nourrisson et dans les mêmes conditions. Viki ne prononcera que quatre mots: « papa », « mama », « up », « cup ». Mais à trois ans, elle a un comportement identique à celui d’un enfant du même âge.
  •  Lana, un autre chimpanzé, s’exprime au moyen de lexigrammes grâce à un clavier d’ordinateur.
  • Sarah parvient à produire des « phrases » simples en utilisant des figures géométriques de différentes formes et couleurs, ce qui atteste d’une capacité de symbolisation et de mémorisation importantes.

Washoe est incontestablement la vedette de toutes les guenons chimpanzés. Des chercheurs de l’Université d’Ellensbourg, Etat de Washington, lui apprennent l’Ameslan,langage utilisé par les sourds-muets aux USA. Washoe  » parle » avec l’ensemble du personnel du laboratoire en utilisant ce système de signes dont elle en a assimilé plus de 300. Beaucoup de dialogues ont trait à la vie quotidienne : « Washoe vouloir banane », « donne chewing gum, Roger », « Hé toi, viens ici »

La guenon enseigne l’Ameslan à son fils adoptif et les autres singes présents dans la cage l’utilisent également pour converser avec les assistants mais aussi entre eux comme le révèlent des caméras qui enregistrent leurs interactions.

Cependant cette expérience a ses limites. Washoe ne communique que sur injonction de l’expérimentateur ou quand elle veut obtenir quelque chose dont elle a très envie, généralement une friandise. Elle est incapable d’utiliser le langage des sourds-muets de façon créative et originale pour exprimer une appréciation sur une personne ou un objet.

Communication animale, OK, mais langage animal?

Là, on arrive à une question délicate. Bottons en touche pour le moment en posant deux questions.

Les animaux sont-ils intelligents?

L’intelligence peut être définie comme la faculté de s’adapter, de connaître, de comprendre, d’anticiper. C’est aussi une faculté d’abstaction. Ce mot est d’une polysémie telle qu’une définition exhaustive semble impossible. Certains partent du terme plus général de pensée pour le définir comme le rapport adaptatif qui lie l’individu à son milieu. C’est elle qui différencie l’homme de l’animal. Les recherches en psychologie animale montrent que l’animal réalise des tâches nécessitant des facultés quasi identiques à celles qui servent à définir l’intelligence humaine.

Les animaux sont inventifs. Certains oiseaux, certains singes utilisent une pierre ou un caillou pour briser une noix, une coquille d’oeuf trop dure. Une loutre qui vent déguster des coquillages ramasse un caillou au fond de la rivière. et d’en sert pour ouvrir le coquillage tout en faisant la planche.

Ceci revient à poser la question toujours sujette à polémique sur l’intelligence des animaux. D’ailleurs ce terme est tellement connoté à l’homme que les spécialistes préfèrent employer le mot de cognition. On parle d’activité cognitive chaque fois qu‘un animal ne réagit pas de façon automatique à son environnement mais invente une solution originale face à un problème donné.

Certains comme Descartes, continuent à les considérer comme des « mécaniques articulées », l’homme étant le seul être doué de raison. Le courant behavioriste qui a longtemps dominé la psychologie au XX siècle stipule que l’apprentissage s’effectue de façon automatique, sans nécessiter la sollicitation de l’intelligence ou de la compréhension. Dans cette optique, l’animal qui réagit à un stimulus adopte un comportement qui lui est bénéfique -récompense sous forme de nourriture- mais sans la moindre compréhension. A l’inverse, d’autres chercheurs reconnaissent une certaine forme d’intelligence aux animaux. Certains faits semblent leur donner raison, par exemple :

  •  Un chimpanzé à qui on a fait une tâche de couleur sur le visage est placé devant un miroir; il observe un instant puis essaie d’enlever la tâche de son visage. Il peut donc différencier une image virtuelle (reflet) d’une image réelle (corps); il est capable de se représenter mentalement et de former une image de lui-même. Devant un miroir, il se comporte en fait comme un enfant de trois ans.
  • Les facultés mentales d’un perroquet sont presque équivalentes à celles d’un enfant de six ans. En calcul, il atteint le stade de l’addition et de la soustraction, soit le niveau du cours préparatoire; il peut compter et ranger les objets dans des boîtes selon un modèle affiché, comparant ainsi leurs formes et leurs couleurs.

Les animaux éprouvent-ils des sentiments?

Il est fréquent qu’ils établissent entre eux des relations affectives quand ils appartiennent à une même famille. Ainsi, le coyote dont l’épouse meurt lui reste fidèle et vit seul jusqu’à sa mort. Les loups forment également des couples très unis.

Les animaux peuvent aussi nouer des liens avec des membres de leur espèce. Les femelles dauphins assistent une autre femelle pendant l’accouchement. Elles peuvent également prodiguer des soins à un animal malade.

Un animal privé de liberté est toujours malheureux. Un lion qui tourne en rond dans une cage présente un dérèglement du comportement. Certaines bêtes se livrent à des automutilations. D’autres peuvent mourir suite à des diabètes ou des ulcères foudroyants, ce qui constitue de véritables pathologies.

Nombreux sont les chercheurs qui pensent actuellement qu’un point commun entre l’homme et l’animal est constitué par les communications non verbales. Un débat toujours d’actualité porte sur l’origine de ces multiples signaux : biologique ou culturelle? En fait, la grande différence entre les émissions non verbales des animaux et de l’homme tient au fait que, chez ce dernier, elles sont associées à la production du langage articulé. Avec tout ce que cela sous-entend : symbolisation, conceptualisation…

Mais ceci fera l’objet d’un autre article.

Petit bonus: la communication des plantes

Elles font partie intégrante du décor dans le monde du vivant. Et leur système de communication est très complexe, allant jusqu’à englober les cinq sens. Lisez cette chronique de Jacques Munier du 30/03/2018.

Et faites-vous plaisir, écoutez son podcast.

 

A suivre

 

 

Imagettes provenant de https://openclipart.org/

Crédit Photo on VisualHunt.com

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